Depuis un siècle, si ce n’est plus, la part de la technologie dans notre vie quotidienne n’a cessé d’augmenter pour devenir partie intégrante de notre manière de vivre. La dépendance de l’homme face à la machine, qui se traduit par une dépendance à tous les niveaux aussi bien physique qu’intellectuelle, pose des nouvelles questions philosophiques et met en évidence un paradoxe issu de l’appréciation de ces nouvelles technologies.
Face à l’avènement des nouvelles techniques, un nouveau paradoxe philosophique a vu le jour, un paradoxe qui ne cessera de s’affirmer s’il n’est pas possible de trouver une médiation. Si personne n’est en mesure de nier la dépendance accrue de l’homme à la technologie, certains estiment que la technologie est « antihumaine ». L’homme peut-il donc être dépendant de quelque chose qui le nie substantiellement ?
Parmi les personnes qui cherchent une solution à ce problème nous trouvons le professeur José M. Galvan, vice-directeur du Département de Théologie Morale à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix à Rome. Il développe un nouveau concept, la techno–éthique, qui pourrait proposer une solution au paradoxe.
« La techno–éthique est un système de connaissances qui permet de mettre en évidence un système de référence éthique qui explique la dimension profonde de la technologie comme élément central du but humain de la perfection ». La technologie devient donc non pas antihumaine mais fondamentalement humaine puisqu’elle est le moyen de sa perfection.
Cette thèse ne peut que faire penser à l’idée de Cyborg sur laquelle, par ailleurs, le professeur Galvan travaille. Le cyborg, mi homme, mi machine, ne pourrait-il pas être un homme technologiquement amélioré sans pour autant perdre son essence fondamentale, à savoir celle d’être un être humain ? Une thématique bien connue de la science-fiction qui a emprunté le terme à la science pour en faire le centre d’une véritable réflexion.
Pour M. Galvan, la notion de cyborg est « redondante » dans la mesure où « chaque organisme est cybernétique : ce qui caractérise un organisme vivant est justement sa faculté de régulation et d’autocontrôle ; le fait que certaines machines aient des systèmes cybernétiques n’est pas tant une nouveauté que le fait que certaines machines commencent à avoir des systèmes semblables aux systèmes organiques ».
Le développement des techniques visant à faire interagir les systèmes organiques avec les systèmes mécaniques, soit deux systèmes « cybernétiques » ont donné lieu à des nouveaux courants de pensée comme le trans-humanisme ou le post humanisme « qui voient dans le cyborg la possibilité de dépasser les limites naturelles ».
La question intéresse particulièrement le professeur Galvan aussi au sein d’une réflexion intrinsèquement théologique à l’heure où la religion doit faire face aux nouvelles technologies et aux possibilités qu’elles offrent à l’homme.
C’est la morale, au sens de l’appréciation qualitative d’une action, qui pose problème. En effet, une machine ne pourra jamais atteindre, d’après M. Galvan, le concept de morale et ce quel que soit sa capacité de calcul. L’exemple que nous offre le professeur Galvan est éloquent : « un robot pourra faire un geste qui ressemble à une caresse, mais ce geste ne sera jamais une « caresse » » telle que nous l’entendons, à savoir avec une certaine appréciation morale.
La morale apparaît donc comme la solution à cette difficulté d’appréhender les nouvelles technologies au sein de l’homme puisqu’elle est la limite infranchissable par l’ordinateur, soit par tout système non pensant. Le développement d’une techno–éthique vise à concilier le dépassement des limites humaines grâce à la technologie tout en gardant le côté « humain » propre de la morale en tant que raison et limite de l’action.
Quoiqu’il en soit, la techno–éthique est aujourd’hui encore dans sa phase de développement et elle doit faire face à une difficulté particulière qui est de se conformer aux futures découvertes et innovations technologiques qui la regardent. Nous ne savons pas aujourd’hui ce que la science et la technique pourront nous offrir demain.
Au sein de son département à l’Université Pontificale de la Sainte-Croix que M. Galvan continuera de développer, sans doute avec ses étudiants, cette thématique. L’Université Pontificale de la Sainte-Croix a ouvert le 16 novembre dernier sa nouvelle année académique, une ouverture remarquée par la présence de Msg Xavier Echevarria, prélat de l’Opus Dei qui, dans son discours, est revenu aussi sur la recherche :
« Le travail intellectuel est fait de temps et de dynamiques qui ne sont pas tout à fait linéaires mais l’Église a besoin de nous, surtout dans le contexte relativiste actuel où la vérité est constamment remise en question ».