L’accord national interprofessionnel (ANI) fait beaucoup parler sur internet. Les scénarii catastrophe abondent prédisant un droit du travail régressif pour les salariés. Des anticipations économiques peu rigoureuses puisque le principe même de l’accord s’appuie sur son application sur le terrain.
«Accord de la honte», « généralisation de la précarisation des salariés », « esclavage moderne », « chantage à l’emploi », les syndicats non signataires (FO et CGT) ne manquent pas d’expressions pour le moins dramatiques pour désigner l’accord compétitivité emploi signé le 11 janvier par le patronat (MEDEF, UPA, CGPME) et les syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC). Mais quand il s’agit d’expliquer pourquoi l’accord ne leur convient pas, les opposants sont moins prolixes.
Il est question de dénoncer les accords de maintien dans l’emploi formulés comme suit: « Donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». Cela donneraient les pleins pouvoirs aux employeurs. De quelle manière ? Impossible de vraiment savoir, pour la simple et bonne raison que l’efficacité de l’ANI dépendra en grande partie de la manière dont il sera transposé dans le droit français et surtout mis en œuvre au cas par cas dans les entreprises.
Les syndicats non signataires ne font donc rien de moins que de crier au loup en déduisant à priori les externalités négatives de l’accord. Un refus qui s’apparente à une opposition de principe dans le déni de l’urgence de la situation, le taux de chômage et la stagnation économique.
Un blocage qui a été diagnostiqué par François Hollande à Dijon et qu’il a appelé à surmonter. Il en a profité pour insister sur la nécessité d’injecter davantage de souplesse dans les entreprises. Le fait que le président socialiste dépasse les oppositions partisanes en délaissant ses prérogatives régulatrices sur les négociations, qui ont eu lieu entre partenaires sociaux sans l’intervention de l’état, montre assez à quel point il aspire à la cohésion des français dans le sens d’un effort concerté.
L’accord est ainsi fait qu’il donne les moyens aux partenaires sociaux de s’entendre à l’échelle de l’entreprise, sur le modèle de l’Allemagne. Dans le modèle allemand, ce qui est énoncé en plus haute instance, à l’échelle des conventions collectives de branches, peut être aménagé sur le terrain afin de rendre plus flexible la marge de manœuvre des entreprises. Une flexibilité rendue indispensable par la conjoncture économique, et qui, si elle introduit effectivement un déséquilibre, est compensée par toutes les mesures allant dans le sens de la sécurisation des salariés.
De grandes concessions ont été faites coté patronat parmi lesquelles l’amélioration de la couverture santé et de la formation professionnelle. De même, les recrutements en CDD et à temps partiel seront plus contraignants pour les employeurs. Une des mesures phare concerne la mobilité : elle donne la possibilité au salarié de suspendre provisoirement son contrat de travail s’il souhaite changer d’emploi. Une mesure dont personne ne parle alors qu’il s’agit une avancée majeure.
Examiné par le conseil des ministres le 6 mars, le projet de loi sera présenté à l’Assemblée nationale le 2 avril. Il serait fort dommage qu’un accord aussi innovant ne débouche sur rien et que la France persiste dans l’inaction.