Vendredi, l’Italie, qui avait proclamé un deuil national, a pleuré les plus de 300 migrants partis de Libye, pour la plupart d’origine éythréennes, morts au large de Lampedusa, et elle a lancé un appel à l’Europe, pour qu’elle fasse cesser ce type de « tragédies ». En écho, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, qui était samedi en déplacement à Metz a aussi estimé que les pays membres de l’Union devraient au plus vite se réunir pour discuter de la question.

Pour Ayrault, il faut que l’Europe en parle, « et vite ».

« Au-delà du drame, de la tragédie [du 3 octobre], il est important que les responsables politiques européens en parlent, et vite, ensemble » a dit le chef du gouvernement. « C’est à eux de se réunir pour trouver la bonne réponse » a estimé M. Ayrault, soulignant que « la compassion ne suffit pas ». « Qui peut rester insensible ? J’ai été profondément touché, ému par les images que j’ai vues », a-t-il ajouté sans avancer cependant de solutions.

Depuis des années, l’île italienne située entre la Sicile, la Libye et la Tunisie a été le théâtre de nombre de drames similaires, sans parler de ceux qui sont survenus ailleurs sur les côtes espagnoles ou italiennes. Jamais cependant le naufrage d’une embarcation de fortune, qui plus est surchargée, n’avait été si lourd. De quoi faire dire à M. Ayrault, après ce « drame terrible, qui ne peut que soulever notre compassion, notre solidarité », qu' »au-delà des mots (…) il est important que l’Europe se préoccupe de cette situation particulièrement dramatique ».

Des centaines d’habitants de Lampedusa dans la rue

D’ici là, à Lamepedusa, les habitants hélas coutumiers de ce type d’accidents ont marqué le coup, tant cette fois le bilan fut lourd. Un millier de personnes ont participé vendredi soir à une marche aux flambeaux dans les rues de la ville, dont les commerces avaient baissé le rideau tandis que les drapeaux étaient en berne. « C’est vraiment important de venir. Nous sommes habitués à faire de notre mieux pour sauver les gens, mais rien de tel n’était jamais arrivé ici », a commenté auprès de l’AFP Michele Rossi, un commerçant du port, devenu l’un des premiers points d’entrées de migrants illégaux dans l’Europe de Schengen.

Les rescapés, accueillis à Rome et éventuellement naturalisés

Signe de l’immense émotion en Italie : le maire de Rome étiqueté à gauche, Ignazio Marino, a annoncé que les 155 rescapés, car il y en a, notamment cette femme repêchée au milieu de cadavres, trouveraient refuge dans la capitale italienne, « en signe de rébellion contre la résignation et l’indifférence ».

Toutes les victimes qui le demanderont se verront accorder la nationalité italienne a de son côté assuré le Premier ministre Enrico Letta. Le pape François, qui lors de sa visite à Assise n’en aurait pas tant demandé a dénoncé « l’indifférence à l’égard de ceux qui fuient l’esclavage, la faim, pour trouver la liberté ».

Né en Erythrée, enterré en Italie

Reste plusieurs questions très concrète. Notamment que faire des dépouilles des noyés ? Plusieurs maires, dont celui de Cammarata, en Sicile, M. Vito Mangiapane, a indiqué qu’ils pourraient accueillir certains de ces « pauvres gens » dans le cimetière de leur ville. En attendant, les corps reposent dans un hangar d’aéroport, où on les photographie, en vue d’une éventuelle reconnaissance.

D’après le réseau d’ONG Migreurop, basé à Paris, en vingt ans, 17.000 migrants ont trouvé la mort en tentant de traverser la Méditerranée. D’après le vice-Premier ministre italien, Angelino Alfano, 30.000 y seraient parvenus depuis le début de l’année. Et pas pour rien. Le Bureau international des migrations avance en effet le chiffre de « 1.200 à 2.000 euros » pour le coût d’un passage, sur des bateaux dont on vient encore de constater le « très mauvais état ».