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Affaire Leonarda : la décision stratégique de François Hollande critiquée

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 Le clap de fin du feuilleton « Leonarda ou les malheurs de l’immigration » a été donné par le Président de la République samedi 19 octobre 2013. Ce dernier, après avoir pris en compte les résultats de l’enquête administrative sur les conditions de l’interpellation de la jeune fille, a rendu son verdict : l’expulsion était totalement justifiée. Mais, « étant données les circonstances », pour reprendre ses propres paroles, Leonarda serait autorisée à revenir en France terminer ses études, seule.


Les réactions et les critiques ne se sont pas faites attendre à droite comme à gauche. Pourtant, le Président a fait le meilleur choix possible.


Respect de la loi et conciliation : le fil conducteur de cette décision


François Hollande était pris dans un étau médiatique et politique. Cette affaire a mobilisé la droite comme la gauche, elle menaçait la stabilité de son gouvernement et de son « homme fort », Manuel Valls, a mobilisé les lycéens qui sont descendus dans les rues, mais, surtout, elle critiquait ouvertement une loi sur l’immigration établie.


Le Président, déjà fragilisé dans les sondages et ce depuis plusieurs semaines, devait agir vite mais agir de manière juste. De toute manière, il le savait déjà : quelle qu’aurait été sa décision, les critiques auraient foisonné. Il fallait donc sauver le sauvable et, surtout, sauver Manuel Valls de la colère de la rue. Heureusement, le rapport de la commission d’enquête sur les conditions d’expulsion de la famille Dibrani a donné raison au Ministre de l’Intérieur, à la police et au préfet. Mais il restait à calmer la rue, la guache et les associations.


Quelles options avait le gouvernement dans cette affaire ?


Les Français s’attendaient à ce que le gouvernement décide entre deux options : le retour pur et simple de la famille Dibrani sur le territoire français avec, en prime, une régularisation immédiate de leur situation ; la confirmation de l’expulsion de la famille Dibrani étant donné le parcours juridique de leurs demandes et l’épuisement de tous les recours possibles.


La première solution était voulue par la gauche et la gauche de la gauche, la seconde par la droite et la droite de la droite (on ne va pas parler « d’extrême droite », on risquerait un procès de la part de Marine Le Pen). Or, le François Hollande a pris tout le monde au dépourvu, allant dans le sens des uns comme des autres mais n’acceptant pas de trancher entre la position humaniste des uns et celle anti immigration des autres.


Il a donc proposé à Leonarda de revenir seule en France pour poursuivre ses études, une décision qui relève de l’exceptionnel et du pur arbitre du Président de la République, cette option n’étant pas prévue par la loi. Sa famille, par contre, resterait hors de France car sa situation irrégulière ne pouvait pas être régularisée et qu’elle faisait déjà l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). On se serait étonnés de ne pas voir monter au créneau droite et gauche face à cette annonce.


Les critiques ne se sont pas faites attendre


La première critique reprise à droite comme à gauche concerne le choix obligatoire de la jeune fille qui n’a, rappelons-le, que 15 ans. Elle doit choisir entre la France (qui n’est pas son pays) et sa famille. Lui demander un tel choix relève de l’inconscience, ce choix est bien trop dur et trop important ; le déchirement qui s’en suivrait serait trop dur à supporter. Bref, droite et gauche sont concordes : l’option laissée par le Président est absurde. D’ailleurs, Leonarda a de suite réagi et a déclaré qu’elle n’allait pas revenir en France et abandonner sa famille. « C’est mort ! » a déclaré la jeune fille aux micros des journalistes postés devant sa maison d’accueil au Kosovo.


Mais les deux mouvements politiques se séparent sur le fond de leur pensée, d’une manière qui ne surprend pas. La droite et la droite de la droite considèrent que laisser cette option relève du « fait du prince » comme l’a souligné François Copé et, surtout, est une manière détournée de bafouer la loi française qui justifie pleinement cette expulsion dans le fond et dans la forme. La gauche, de son côté, salue l’ouverture du Président mais demande plus au gouvernement : Harlem Désir, président du Parti Socialiste, voudrait que François Hollande autorise la mère et tous les enfants de la famille Dibrani à revenir sur le territoire français.


Il est impossible de penser que le Président de la République et son cabinet n’aient pas pensé que ces réactions allaient se faire entendre, vue la médiatisation de l’affaire. Mais alors, à qui s’adresse réellement cette décision ?


Les jeunes sont la vraie cible de François Hollande


Le Président de la République n’est pas aussi dupe qu’on veut nous le faire croire. S’il est critiquable à bien des égards, il savait très bien qu’en autorisant le retour de la famille Dibrani au complet, il se serait attiré les ires de la droite et aurait renoncé à rendre justice dans les termes de la loi, sans compter qu’il n’aurait pas défendu Manuel Valls, le seul membre du gouvernement apprécié à gauche comme à droite.


Et il savait aussi très bien qu’en décidant de confirmer l’expulsion de Leonarda sans condition, ce serait son propre parti et ses valeurs qu’il aurait trahis. Cette décision ne s’adresse donc ni aux uns, ni aux autres. Elle s’adresse aux jeunes.


Même si tout le monde est concorde à dire que le mouvement de soutien des lycéens français à Leonarda est surtout une manière d’avoir quelques jours de vacances de plus, d’éviter quelques contrôles et devoirs et, surtout, d’empêcher les professeurs de donner leurs devoirs de vacances (il suffit de voir les réactions Twitter des étudiants face à cette mobilisation), la mobilisation a interpellé le gouvernement.


En ce sens, la décision finale concernant l’affaire Leonarda peut se lire comme un message adressé directement aux lycéens dans la rue qui sont, rappelons-le, les futurs électeurs et, notamment, pour les prochaines élections présidentielles. Et ce message dit : « La loi c’est la loi, juste ou injuste qu’elle soit, elle doit s’appliquer, point. Mais le gouvernement sait apprendre de ses erreurs et tient compte de celles-ci. » Toujours sous cet angle peut se lire la première action du gouvernement, l’émission d’une circulaire interdisant dorénavant les interpellations dans le cadre scolaire, circulaire que Manuel Valls s’est empressé de faire passer aux Préfets le soir même. 

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La Rédaction