Un écrivain hors du commun, éditeur reconnu, libraire et traducteur, il a toujours vécu au milieu des livres et des vers. Un personnage intrigant et difficile à cerner, souvent à l’écart du monde, et attachant à la fois. François Maspero est mort samedi 11 avril, à Paris, à l’âge de 83 ans.
Il avait écrit un récit sur un évènement tragique qui a marqué sa vie « Tout en moi affirme que je suis né le 24 juillet 1944, à l’âge de 12 ans et demi, écrit-il, dans l’un de ses récits autobiographiques, Les Abeilles & la Guêpe (Seuil, 2002). Ce n’est pas une boutade, encore moins une image. » et il avait ajouté « En guise de sage-femme, je vois, puisque j’ai le privilège de me souvenir de ma venue au monde, le visage d’un agent de la Gestapo », c’est ce qu’il avait écrit pour décrire les horreurs qu’il avait vécu, lorsque ses parents furent arrêtés par les nazis et déportés dans des camps de concentration Buchenwald. Son père n’ayant pas supporté les conditions meurt le 17 mars 1945, quelque mois seulement après sa détention. Son frère fut tué par les Allemands à l’âge de 19 ans. Il ne restait plus que lui et sa mère, elle qui a survécu a sa détention à Ravensbrück.
« J’ai eu, depuis, comme je le souhaite à tous, mes jours, mes années de soleil. Mais quelque chose me dit toujours que ce n’est pas le même que ce soleil-là, celui dont je sais seulement qu’il brillait avant ma seconde naissance » avait-il pensé à voix haute à l’aube de sa vieillesse.
De guerre en guerre, surtout ceux que l’Europe avait vécu au XXe siècle ont façonné la vie du jeune écrivain. C’est d’ailleurs avec La Guerre d’Espagne, un essai de Pietro Nenni, dirigeant du Parti socialiste italien, que les éditions François Maspero entameront, le 15 juin 1959, leur exceptionnelle carrière. Et c’est à la guerre d’Algérie (1954-1962), à la lutte contre la torture, à la dénonciation des ratonnades, au combat anticolonialiste, que le nom de Maspero est lié, indéfectiblement a écrit, Catherine Simon, journaliste du monde sur cet écrivain d’exception.
Né en 1932, François Maspero est né dans une famille de chercheur et d’écrivain. Son grand-père est un égyptologue de renom et son père est un Sinologue de renom, et tous les deux ont été professeurs au Collège de France. Sa mère « C’est la bourgeoisie de Boulogne-sur-Mer [Pas-de-Calais]. Une fortune à la Rougon-Macquart », résume-t-il sa famille, une « famille joyeuse» du mois jusqu’à l’été 1944 ou « Tout s’éteint d’un coup » dans sa vie.
Il avait une « scolarité exécrable», selon ses propres mots, et aussi envie de refaire sa vie, car il est las « d’aimer des ombres» décide de se marier a 23 ans, il devient père et devient libraire pour subvenir au besoin de sa famille et reprend « une boutique à l’abandon, qui sentait le pipi de chat», rue Monsieur-Le-Prince en plein cœur de Paris dont il a baptisé L’Escalier. Deux ans plus tard il ouvrit une plus grande, La joie de lire, en 1957, dans un Quartier Latin rue Saint-Séverin. Il a soudainement envie de devenir éditeur, avec l’aide de son ami Guy Levis Mano, poète et éditeur imprimeur, il réalisa son rêve dans le petit bureau du sous-sol de la librairie.
Julien Hage, historien, raconte dans son ouvrage « Maspero et les Paysages humains (La Fosse aux ours-A plus d’un titre, 2009) dédiés à l’écrivain décrit la vie de l’éditeur François Maspero entre 1959 et 1960. Il « officie pratiquement seul (…), corrigeant, composant les livres et créant jusqu’aux couvertures »
Dans un interview, qu’il accordé en 1990, a Miguel Benasayag , ou le journaliste lui posait la question « Pourquoi devenir éditeur et publier des livres ? » – A cause des guerres, bien sûr. Ou, plus précisément, « du caractère insoutenable des guerres coloniales » – en Indochine d’abord, à Madagascar, puis en Afrique du Nord. Mais aussi à cause de la « désillusion face au communisme soviétique » a-t-il ajouté.
Plusieurs livres de Maspero avaient été censurés, mais ça n’arrêtait pas l’écrivain d’écrire ce qu’il lui semble juste et de dénoncer les injustices dans le monde.
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