On peut dire que le gouvernement roumain a réussi à faire bouger sa population malgré l’hiver, hélas, c’est pour manifester contre lui. Des dizaines de milliers de personnes et le président du pays lui-même en désaccord avec la décision du gouvernement social-démocrate d’assouplir la législation anti-corruption, ont manifesté à Bucarest et dans plusieurs villes roumaines plusieurs soirs consécutivement.
Les plus anciens vous diront, qu’ils n’ont plus vu ça depuis 1989 et la chute du communisme. Les slogans sont assez simples et directs, ils sont très compréhensibles, on entend notamment « voleurs », « honte à vous », « démission ».
Comme dans beaucoup de pays, c’est la corruption qui est au centre du débat et plus précisément, c’est l’adoption d’un décret d’urgence, qui pourrait mettre les hommes politiques à l’abri de certaines poursuites, et qui a mis le feu aux poudres. Il faut dire que le gouvernement nouvellement élu, a été bizarrement inspiré en pondant un texte qui dépénalise plusieurs infractions. Parmi elles, l’abus de pouvoir (assez répandu en Roumanie), se retrouve passible de peines de prison uniquement s’il provoque un préjudice supérieur à 44 000 euros.
Le gouvernement a même réussi, et c’est assez rare, à provoquer une réaction de la part des ambassades des Etats-Unis, du Canada, d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et de Belgique, qui se sont exprimé, dans une déclaration commune. Elles font part de leur « profonde inquiétude » devant ce dispositif qui saborde les progrès réalisés par le pays dans la lutte contre la corruption.
Un début d’explication à ce décret, disons osé, peut se retrouver dans le fait que le Parti PSD, au centre de la vie politique depuis la fin du communisme, a été particulièrement touché par des enquêtes menées par le parquet anti-corruption. Le chef du Parti social-démocrate est jugé dans une affaire d’emplois fictifs (tiens lui aussi) pour laquelle le préjudice est estimé à 24 000 euros.
De son côté, le gouvernement et le Premier ministre ont réaffirmé à la Commission européenne, dans un courrier, que « la lutte contre la corruption est l’une des priorités du gouvernement ». L’exécutif dit vouloir désengorger les prisons et mettre en conformité le Code pénal dont une soixantaine d’articles ont été invalidés par la Cour constitutionnelle. Il a appelé à une appréciation « équilibrée » de son action, au-delà « des réactions de l’opinion publique et dans les médias ».
Il n’est pas sûr, que cet appel soit bien entendu dans le tumulte de ces énormes manifestations.
Crédit photo : Eric HENRY