Lorsque l’on veut attirer l’attention, les témoignages sont importants. Cependant, pour réellement changer les choses, il en faut parfois plus. Concernant la place des femmes, il faut gagner en crédibilité. Pour cela, rien ne vaut une bonne série de chiffres qui souvent en disent plus qu’un long discours. Le dernier documentaire, « Tout peut changer. Et si les femmes comptaient à Hollywood ? », utilise ce stratagème. Cela lui permet de compléter son propos sur le machisme du cinéma américain. De nombreux chiffres significatifs complètent des témoignages de stars sur le machisme au quotidien dans la grande machine du cinéma américain.
Le documentaire a été réalisé sur la base de chiffres collectés patiemment par la comédienne Geena Davis. Celle que l’on connaît souvent, comme étant la Thelma de « Thelma et Louise », a fondé en 2004 un institut sur le genre dans les médias. Son obsession lui a fait mettre au point une banque de données sur le machisme dans le cinéma et à la télévision. Cette méthodologie chiffrée, a permis bien souvent de résister et de contredire les réactions primaires et machistes du milieu. On ne parle plus de sensation, de vision des choses, mais bien de réalités. Une réalisatrice américaine, explique la situation simplement, « les hommes deviennent astronautes et les femmes… Les petites amies qui se font larguer ».
Des chiffres implacables
Justement, que disent ces chiffres ? Dans les 100 films américains les plus rentables de 2017, les personnages masculins avaient deux fois plus de temps à l’écran que les personnages féminins par exemple. En 2018, 92 % des 250 premiers films américains ayant enregistrés le plus d’entrées ont été réalisés par des hommes. Par contre en 2017, les films mis en scène par des femmes, ont remporté 38 % plus d’argent que ceux faits par des hommes.
Plus surprenant, c’est que rien ne change en profondeur malgré des déclarations et des gesticulations en surface. Le documentaire constate que depuis 1946, le ratio hommes/femmes des personnages au cinéma n’a pas changé. En cela, le cinéma ne peut pas être blâmé seul, il suit aussi une logique commerciale qui ne peut se permettre une révolution à contre-courant de la pensée globale, qui domine. Le documentaire pousse cette logique jusqu’au bout. La frilosité financière de l’industrie hollywoodienne contraint les producteurs à de plus en plus miser sur la sécurité, plutôt que sur du génial ou du nouveau. En cela, la création en prend un net coup et la parité aussi. Le constat est terrible, les réalisatrices avaient même davantage de pouvoir au début 20e siècle, car le cinéma naissant n’était pas encore une histoire essentiellement financière.
Des témoignages de stars
Au milieu de ces chiffres, le documentaire donne la parole à quelques stars comme Meryl Streep ou Natalie Portman entre autres. Sharon Stone par exemple, se souvient de ces réalisateurs qui lui demandaient de s’asseoir sur leurs genoux. Elle était obligée de demander, « Tom Hanks s’assoit-il sur vos genoux ? ».
Les violences sexuelles ne sont qu’une partie, et le jusqu’au boutisme d’un sexisme ambiant. Il est de ces symboles qui ne sont que la partie visible et la conséquence d’un fonctionnement plus profond. Le combat est juste et indispensable. Cependant, en matière de sexisme, il restera sans fin si l’on ne met pas à jour les vraies basses raisons mercantiles, intéressées et vulgaires, qui se cachent derrière des principes redondants et faussement moraux ou naturels.
Crédit photo : Lauren Brown