A Gardanne près de Marseille, le dilemme entre écologie et économie se vit de manière très concrète. Nous ne sommes plus dans la théorie. D’un côté, il y a des habitants qui n’en peuvent plus de la pollution générée depuis des générations par l’usine d’Alumine. De l’autre côté, 500 salariés qui se demandent bien ce qu’ils pourraient faire si cette même usine devait fermer.
La production de l’alumine dans le paysage local, ce n’est pas vraiment nouveau. En effet, l’usine a été crée en 1894, c’est donc la plus ancienne usine du monde d’alumine. Bien sûr, son apparence a bien évolué avec la technique. Maintenant, ces sont de hautes cuves, des cheminées et des kilomètres de tuyaux, qui se dressent à l’entrée de la ville de Gardanne.
Plus de pollution, mais une présence économique en berne
Comme pour toute l’industrie en France, les temps sont durs pour Alteo, le leader mondial de l’alumine et propriétaire de l’usine. Fini les années triomphantes de la présence de Pechiney. En 2003, elle a refilé le bébé aux fonds d’investissements américain HIG. Du coup, les avantages économiques de la présence de cette usine, sont bien moins bien perçus dans le secteur. Du temps de Pechiney, on versait encore un peu dans une certaine forme de paternalisme. Il existait alors, une politique de logement, le droit au médecin, ou aux colonies de vacances, par exemple. Tout ceci faisait mieux passer la pilule environnementale, mais tout ça, c’était avant.
Aujourd’hui, l’usine broie chaque année plus d’un million de tonnes de bauxite rouge. Elle produit de l’alumine blanche utilisée dans l’armement, l’industrie automobile ou la fabrication des téléphones portables. Avec cette « baisse d’influence sociale » de l’usine, le message écologique, inaudible il y a encore 20 ans, s’est affirmé. Celui-ci rappelle inlassablement, que l’usine a rejeté en 50 ans au moins 20 millions de tonnes de boues rouges chargées d’arsenic et de cadmium dans la Méditerranée. Tout ceci, jusqu’à ce qu’un arrêté préfectoral y mette fin en 2015, grâce à la pression des associations écologistes. L’installation a dû cesser de déverser le rebut de bauxite dans les calanques de Marseille et Cassis.
Des mesures contre la pollution insuffisantes
Face à cela, l’entreprise a affiché une volonté d’améliorer la situation. Par exemple, elle a inauguré une station de traitement de ses « effluents liquides » rejetés en mer. Elle a dans le même temps, augmenté le stockage des résidus solides extraits de cette eau, dans d’immenses terrains creusés en plein air. Hélas, en avril 2018, le nuage de poussière rouge qui recouvre la ville, attisé par un coup de mistral, révèle l’ampleur du site de stockage, équivalant au total à 50 terrains de football.
Pas de quoi rassurer tout le monde, et surtout les communes voisines, qui sont aussi touchées par les pollutions. Le maire LR de Bouc-Bel-Air Richard Mallié, a déposé une plainte contre l’entreprise et ses rejets, pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Une information judiciaire a été ouverte en mars 2019. Comme une poignée d’habitants, l’élu dit « ne plus faire confiance à l’entreprise depuis 20 ans ».
On se doute bien que de son côté, Alteo, qui en proie aux difficultés financières essaye de calmer le jeu en attendant un éventuel repreneur. Ce n’est pas une chose facile depuis son placement en redressement judiciaire fin 2019. Cela fait claironner Frédéric Ramé, président d’Alteo holding, « les résidus de bauxite sont non-dangereux selon la réglementation« .
Pas sûr, que tout cela rassure complètement les différents élus locaux de la région. Ils n’hésitent pas, comme les associations écologiques et de nombreux riverains, à préciser que les études positives sont commanditées par Altéo. Au milieu de ce combat, il ne faudrait pas oublier les 500 employés et les 400 sous-traitants environ, qui naviguent entre leur santé et celle de l’entreprise.
Crédit photo : massimo virgilio