Cela paraît incroyable, mais en parallèle de ce déferlement de violence et de destruction, des pourparlers de paix s’organisent. On peut s’en réjouir encore, faut-il être persuadé de la réel volonté de chaque belligérant. En attendant, dans ces négociations, un terme revient en force, il s’agit de « pays neutre ». Cette notion semble pouvoir servir de base à une résolution de la situation actuelle. Encore faut-il se mettre bien d’accord sur ce que l’on met derrière cette notion qui semble tout de même un peu flou et bien différentes suivant les protagonistes.
Les pays neutres européens
À l’heure actuelle, officieusement, il existe de nombreux pays neutres ou du moins considérés comme tels. En Europe, il s’agit de la Finlande, de Malte, de l’Irlande, du Liechtenstein, de la Suisse, de la Suède, et du Vatican. Actuellement, la Russie évoque plus particulièrement les cas de l’Autriche ou de la Suède. Il reste que l’Ukraine ne semble pas vraiment disposé à brader son éventuelle neutralité.
La 2e conférence de La Haye de 1907
Tout d’abord, revenons sur la situation bien différente des uns et des autres. À la base, c’est la deuxième conférence de La Haye de 1907, qui a donné une définition juridique de la neutralité étatique. Cependant, cette définition est temporelle et circonstanciée. Certains pays peuvent se raviser au cours du conflit, suivant la tournure de celui-ci. D’autres plus simplement, si on ne respecte pas leur neutralité en violant leur territoire.
Le modèle suisse
Si on reste en Europe, concernant le Vatican et le Liechtenstein, leur neutralité apparaît évidente. Ils ne peuvent que se positionner sur le papier, ils n’ont pas les moyens de peser sur des décisions internationales. Ils n’ont donc aucun intérêt à prendre parti. Ensuite, on retrouve la Suisse, qui reste le modèle historique de référence en la matière, car elle fait figure de pays neutre permanent. Elle a obtenu sa neutralité en 1815. Cette situation a été ratifiée au congrès de Vienne. La Suisse a fait valoir à l’époque qu’étant multiculturel et entourée par de puissants voisins assez belliqueux, elle risquait d’être profondément divisée au moment des différents conflits qui ne manquèrent pas d’éclater.
L’Autriche, l’autre exemple institutionnel
Du coup, la Suisse a notifié cette neutralité dans ces institutions. En cela, elle est rejointe par l’Autriche, qui a aussi inscrit la neutralité dans ses institutions. De plus, elle a aussi un statut de pays neutre permanent. Le pays est devenu ainsi, à l’issue d’une lutte entamée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour retrouver sa souveraineté. C’était en effet la condition pour que l’Union soviétique accepte l’indépendance autrichienne après 10 ans d’occupation par les quatre puissances qui avaient gagné la Seconde Guerre mondiale.
Le non-alignement de l’Irlande
Ces 2 pays diffèrent de l’Irlande dont la neutralité s’apparente plus à un non-alignement. Sa neutralité est la suite de son aversion envers le Royaume-Uni. En 1949, l’Irlande a été invitée à rejoindre l’OTAN, mais n’a pas accepté, car le Royaume-Uni en faisait partie. Ne pouvant pas se ranger derrière une organisation, le pays s’est considéré neutre.
La Suède, une neutralité historique
Passons a la Suède, exemple si cher aux Russes apparemment. La neutralité de la Suède est très ancienne, elle date de 1812. À l’époque, Napoléon place l’un de ses proches à la tête du pays, Jean-Baptiste Bernadotte, pour tenir le pays. Cependant, on est jamais mieux trahi que par ses proches et la Suède trahit la France dès 1812. À l’occasion, elle scelle une alliance avec le Tsar pour mettre la main sur la Norvège. Au cours du XXe, siècle, la Suède ne participe pas aux guerres mondiales. Elle fait partie de l’Union européenne depuis 1995, mais ne fait pas partie de l’OTAN.
« Finlandisation » ou la neutralité forcée
Pour finir, il faut évoquer La Finlande, qui de son côté, est devenue un modèle de neutralité basé, non pas par choix, mais par obligation. La neutralité de la Finlande remonte à la période qui a immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale. Le traité de 1948 signé avec l’URSS interdit aux signataires de rejoindre une alliance militaire contre l’autre. Du coup, la Finlande ne pouvait permettre que son territoire soit utilisé pour une attaque contre l’URSS. Cet équilibre avec les Soviétiques a été forcé précisément pour éviter un affrontement avec le régime.
Surtout rester loin de l’OTAN
En définitive, ces pays ont surtout la bonne idée de se tenir à l’écart de la principale organisation de coopération militaire, l’OTAN, particulièrement redoutée par la Russie de Vladimir Poutine. Une neutralité comme celle de l’Autriche ou la Suède n’interdirait pas à l’Ukraine d’entrer dans l’UE, ni une intégration politique voire à terme monétaire. Toutefois, leur statut neutre empêche ces États d’adhérer à un pacte militaire et donc de se placer dans un camp précis au sein de la géopolitique. Concernant nos 5 pays neutres, notons qu’aucun n’a demandé à adhérer à l’OTAN.
Comme on peut le voir, tout cela est une affaire de circonstances, c’est pour cela que l’Ukraine veut, elle aussi, négocier un accord particulier pour sa propre sécurité. Elle ne veut pas un copier-coller qui la mettrait dans une position trop défavorable. Il s’agit aussi de ne pas s’enfermer dans le traité trop strict pour la suite et surtout dicter par la force, comme pour la Finlande. Le pays ne veut pas sentir une espèce d’épée de Damocles, prête à lui retomber dessus à la moindre décision jugée trop « atlantiste » par la Russie.
Coluche disait « un pays neutre et un pays qui ne vend pas d’armes sauf.. Si on paye comptant », derrière cette boutade se cache une réalité. Bien des pays se disent « neutres », mais leur statut diffère en bien des points. Tout cela pour expliquer que la neutralité absolue est une acrobatie complexe et une chimère qui se nourrit de surtout de compromis diplomatiques. Ce n’est hélas pas un critère de liberté, mais le plus souvent l’acceptation de quelques renoncements.
Crédit photo : Calvin Hanson