Alors que le Salon de l’Agriculture 2021 a été annulé, il faut bien avoué que celui de 2022 est passée un peu sous silence. La guerre en Ukraine a nettement réduit l’impact médiatique de cet événement. Cependant, cela ne doit pas faire oublier les difficultés récurrentes que traverse ce secteur de l’économie française. Parmi ces difficultés, on note une terrible tragédie. Actuellement, on recense plus d’un suicide d’agriculteur par jour en France.
Le bonheur n’est apparemment pas toujours dans le pré. Les dernières statistiques transmises par Santé publique France sont alarmantes. De fait, le gouvernement a décidé d’agir cette année par l’intermédiaire d’un programme d’aide. Celui-ci consiste dans l’implantation d’ici fin 2022 d’une cellule de soutien dans chaque département. Au sein de cette entité, des représentants des pouvoirs publics, des organismes de santé, des organisations agricoles ou encore des associations.
Cette mesure, aussi importante, soit-elle, ne s’attaque pas à la racine du problème. En fait, les analyses ne manquent pas, elles identifient clairement les raisons de ces nombreux suicides dans le monde agricole. On peut citer en vrac, les difficultés économiques comme des revenus insuffisants et le surendettement. À cela s’ajoute des causes, plus psychologiques comme la solitude et plus globalement un manque de reconnaissance. La profession est en proie à des tiraillements internes entre cultures traditionnelles, intensives et bio. Tout cela sous le regard, du reste de la population, bien souvent un peu indifférente.
Tout ceci n’est pas vraiment nouveau Alphonse Karr, journaliste et romancier du 19e siècle écrivait « En France, on parle quelquefois de l’agriculture, mais on y pense jamais. Labourage et pâturage ne sont plus depuis longtemps les 2 mamelles de la France. Il apparaît donc que la révolution agricole actuelle n’est pas le seul facteur en jeu.
En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde paysan fait partie des groupes sociaux qui présentent le taux de suicide le plus forts avec de fortes variations saisonnières, et une fréquence plus élevée durant l’été. Avant le second conflit mondial, c’est un peu difficile de faire la part des choses. Si on remonte dans le temps, les statistiques antérieures à la seconde moitié du XXe siècle font défaut. Plus loin encore, il faut considérer que le suicide est considéré comme un crime par l’église et les autorités. Du coup, on n’en parle carrément pas. Il faudra attendre 1791 pour voir le code pénal décriminaliser le suicide. À cela, il faut prendre en compte qu’il faut souvent du temps entre la loi et son acception dans les mentalités.
Pour en revenir à notre époque, on peut convenir que la modernisation, a pas forcés, des trente glorieuses n’a pas épargné le secteur. En quarante ans, la surface moyenne des exploitations s’est largement agrandie, mais le nombre d’exploitations recule de 2,4 millions à moins de 700 000. De plus, l’agriculture a perdu surtout de son prestige et de son importance dans l’économie nationale. Toutes ces variations et ces changements provoquent des changements techniques et sociologiques. Plus de volumes de travail, des contraintes financières, très fortes, qui se rajoutent à des aspirations nouvelles, mais parfois antinomiques en matière de vie personnelle.
Pour couronner le tout, l’agriculture doit maintenant se décliner avec des contraintes plus simplement locales, mais aussi internationale. Ces paramètres sont de plus en plus nombreux, mais ils ont pris comme symbole la politique agricole commune (PAC) crée au début des années 1960. Elle oblige à jongler avec d’un coté un système de subventions et de l’autre toute une série de quotas. Cette européanisation de la production agricole est censée éviter les ravages de la mondialisation. Cependant, elles met les paysans Français au milieu de larges tractations commerciales internationales. Cela donne le sentiment aux agriculteurs de ne vraiment plus maîtriser leur destin et l’essence même de leur travail.
À noter que la France n’est pas le seul pays à subir ce phénomène de suicides. Les grandes puissances agricoles mondiales dans leur ensemble subissent tout ce phénomène de suicides.
.Crédit photo : Erik Jan Leusink
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