Dans Arab- phishing ou black- phishing, il y a avant tout phishing, ce qui sur Internet est considéré comme une forme d’escroquerie. En France, on retrouve des tentatives d’arab-phishing dès la fin des années 1990. Certains et certaines profitent notamment de l’émergence de quelques pop stars dans le domaine R’N’B. Depuis quelque temps, ces doutes planent sur certaines célébrités et surtout sur des influenceuses. Elles maintiennent sciemment le flou autour de leur ethnicité. Ne nous y trompons pas, il ne s’agit en rien d’un oubli ou d’un geste politique, il s’agit avant tout de business.
Influence : l’envers du décor
Dernièrement, une certaine Milla Jasmine, influenceuse habitante a Dubaï a fait l’objet d’un reportage qui a montré l’envers du décor. Parmi les nombreuses « approximations » a son sujet, beaucoup ont appris que cette personne n’est pas arabe. Elle n’est pas la seule à faire la même chose et manie ses origines. C’est l’avènement des réseaux sociaux dans les années 2010 qui accentue et « démocratise » le phénomène. Cependant, si le black-phishing a été le sujet de nombreuses recherches académiques outre-Atlantique, son pendant arabe, lui, reste encore très peu étudié, y compris en France.
Arab- phishing : une technique de vente
La question est de savoir quel est l’intérêt de cette supercherie. Pourquoi des filles changent leur origine. A ce stade, il faut tout de suite éliminer, le »oups, ce n’était pas voulu, je suis désolée » en faisant un geste de la main en forme d’éventail. On parle ici de communications bien étudiées qui entretiennent une ambiguïté permettant de gagner de l’argent via les réseaux sociaux. Paradoxalement, alors que dans la vie courante, le fait d’être d’origine arabe est plutôt une donnée défavorable, dans le monde de certaines influenceuses, c’est un plus. En effet, on imagine moins des médecins ou des chefs d’entreprises mettre cela en avant.
Une femme arabe pour le meilleur et pour.. l‘esthétique
Alors, pourquoi des personnes blanches prétendent-elles être ce qu’elles ne sont pas ? En fait, elle profite des relents de notre imaginaire colonial et de représentations de femmes censées être généreuses de corps et aussi d’esprit. En ce qui concerne ces jeunes femmes, elles empruntent une esthétique remplie de clichés établis par une hiérarchie présupposée. Surtout, elles ne sont pas arabes tout le temps, mais de façon instrumentale, circonstancielle et tactique et quand cela les arrange. Elles deviennent arabes pour l’image, pour l’aspect populaire et mercantile, mais ne subissent pas les conséquences négatives. À savoir, le racisme et les discriminations pourtant quotidiennes et avérés envers la communauté arabe.
Pour qu’Influence ne devienne pas obsession
À partir de là, il convient de réagir sereinement. Comme pour bien d’autres aspects, il faut continuer un long et besogneux travail de sensibilisation. Nous sommes tous capables maintenant de faire la différence entre la fiction et la réalité, entre un documentaire et un film, il faut maintenant intégrer ce que l’on appelle la télé-réalité. Cette fiction très proche que l’on choisit pour en faire notre roman personnel, reste une fiction. Les influenceuses vivent au dépens celles qui les écoutent un peu trop, il n y a pas d’amies, mais des abonnées, pas de conseils, mais des tutos, pas d’écoute, mais des « likes » et tout ceci ce n’est pas de la considération, mais des bénéfices financiers.
Arab-phishing maintenant, et demain ?
Tout ceci est indispensable, car deux remarques viennent à l’esprit pour le futur. Tout d’abord, il y a la question des cycles de la mode. Ce qui est bon il y a vingt ans ne les plus aujourd’hui. Qu’arrivera-t-il aux femmes arabes, célébrées ces dernières années seulement pour leurs formes généreuses et leurs caractéristiques, une fois que l’arab-phishing sera passé de mode ? Et surtout, qu’arrivera t’il à tous ces anonymes qui ont suivi un peu trop fidèlement qui ne pourront plus revenir en arrière. Enfin, cela contribue aussi au risque de voir des personnes se réclamant arabe, maghrébines ou musulmanes ou vouloir le devenir, pour de très mauvaises raisons.
Pour que la « belle mauresque » ne devienne pas uniquement un objet sexuel
Il reste qu’il ne faut pas donner plus d’importance que ce mouvement en réclame. Tout ceci ne relève pas directement du politique au sens supérieur du terme. On pourrait plutôt évoquer « l’économiquement correct » et rester sur de simples valeurs de mensonges, d’exploitations et sur le terrain juridique de basses escroqueries. Cela sera plus facile pour saper un peu plus le ridicule de certaines représentations exotiques malsaines pour lequel la France comme d’autres pays, ne se sont pas encore débarrasser.
Crédit photo : brooke lark