Pour un touriste étranger qui se promène à Paris, Le Sacré-cœur fait partie des incontournables. Il est certain que son agence de tourisme lui aura vanté son atmosphère « so french ». Du coup, c’est l’un des monuments les plus visités de Paris. Évidemment, notre touriste risque d’être un peu déçu, car l’ambiance sera peut-être moins romantique que prévu, mais enfin, c’est tout de même Paris. En cela, il rejoint un peu ceux qui voient d’un mauvais œil, le classement de cet édifice au titre des « monuments historiques ». En France, il est toujours un peu le symbole de la division entre deux France, l’une ultra-catholique et l’autre anticléricale.
Un monument à consonance conservatrice
Petit retour en arrière, la construction du Sacré-cœur est lancée durant une période par vraiment euphorique. L’heure est plutôt à la repentance. Il s’agit pour l’Assemblée nationale, dominée par les conservateurs de retrouver quelques valeurs morales traditionnelles après les agitations de la Commune de Paris. C’est pour cela que trois ans après la défaite de la France face à la Prusse (1870) et deux ans après la Commune (mars à mai 1871), l’Assemblée nationale, déclare la basilique d’utilité publique.
La revanche des catholiques sur la commune de Paris
La petite histoire s’invite alors dans une lettre adressée aux curés de l’évêché nantais le 4 septembre 1870, jour de la déclaration de la Troisième République.Son auteur, Monseigneur Félix Fournier attribue la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870 à une punition divine. Il y parle aussi de déchéance morale depuis la révolution de 1789. Tout un programme, qui arrive aux oreilles du philanthrope Alexandre Legentil. Celui-ci use de sa grande influence pour exaucer un vœu, très pieux. Il va aboutir à la réalisation de la basilique du Sacré-cœur plusieurs décennies plus tard.
Une église au cœur d’un quartier très touristique
Depuis, cet édifice de pierres blanches de style romano-byzantin, haut de 85 mètres, est à la fois un monument familier des Parisiens et une étape incontournable des touristes. Bien sûr, la basilique profite de l’attrait globale du quartier le plus célèbre de Paris. Ce quartier parisien cultive l’image du village qui plut tant aux artistes des 19e et 20e siècles. Véritable creuset de l’art et source d’inspiration pour le cinéma, du haut du Sacré-cœur, on file sur les traces d’Amélie Poulain par exemple.
Et pourtant très polémique
Pourtant, ce monument n’est pas encore classé monument historique. Pour comprendre, il faut, comme souvent, retourner la médaille. L’histoire de ce sanctuaire dédié au sacré-cœur de Jésus, propriété de la mairie de Paris, est sensible. C’est le symbole historique du clivage des ultras. Parmi eux, on retrouve, les ultra-catholiques qui historiquement ont voulu en finir avec un quartier jugé insurrectionnel. Le monument doit aussi servir à expier la Commune de 1871 et par la même occasion toutes les révolutions depuis 1789. Évidemment, pour les communistes et bien d’autres, ce « bâtiment » représente la consécration de la répression contre la commune de Paris. Une répression qui a conduit a près de 30 000 morts.
Place à la découverte pour mieux comprendre
Depuis longtemps, c’est cette opposition qui a mis un frein au classement parmi les monuments historiques. Maintenant, la question se pose, combien de temps doit, on vivre uniquement sur le passé ? L’idée actuelle est de voir autrement est de mieux mettre en avant les deux aspects. Ainsi, chacun aura une vue globale et pas seulement partisane. Karen Taïeb, l’adjointe au patrimoine de la ville de Paris, a fait valoir que « le classement compren[ait] le square Louise Michel, qui porte le nom d’une grande personnalité de la Commune ». Cela « permet de faire dialoguer ces deux histoires sans oublier ni l’une ni l’autre ».
Prochaine étape l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco
Concrètement, le classement aux monuments historiques permettra que d’éventuels travaux soient pris en charge jusqu’à 40 % du budget par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles). De plus, le nouveau statut de la basilique représente une décision en forme d’étape pour une éventuelle future inscription de la butte Montmartre au patrimoine mondial de l’Unesco.
Crédit photo : Henrique Ferreira