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Brésil : la défaite du Bolsonaro, pas la victoire de la démocratie

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Au Brésil, les dernières élections ont donné lieu à une joute très serrée. Finalement, c’est Lula qui l’a emporté face au président sortant, Jair Bolsonaro. Comme Donald Trump, l’ex-président ne semble pas vouloir reconnaître sa défaite. Il prend son temps pour s’adresser à ses partisans. De fait, de nombreux électeurs de l’ex-président, n’acceptent pas le verdict des urnes. Une mobilisation importante s’installe et provoque peu ou prou instantanément dans de nombreuses manifestations. Celles-ci montrent une nouvelle fois que si Jair Bolsonaro a été vaincu dans les urnes, son mandat aura durablement marqué la société brésilienne.

Bolsonarisme : de l’utilisation efficace de la communication

Ceci est loin d’être un geste qui peut ressembler a une bouderie enfantine d’enfant pas content. Le fait d’attendre avant de reconnaître sa défaite est une manière de montrer encore sa popularité. Cette campagne extrêmement tendue aura confirmé l’emprise durable du bolsonarisme sur la société brésilienne. Elle est aussi une nouvelle fois un bon exemple de la manière dont on peut asseoir une emprise sur un électorat. Il faut bien utiliser des idées simples, pas forcément vraies mais les appuyer par une savante stratégie de communication.

Tout d’abord, il faut des ennemis

Tout d’abord, il faut déterminer plusieurs adversaires de taille. À l’heure du mondialisme, votre adversaire n’est plus un simple partisan d’idées politiques divergentes , c’est avant tout le suppôt, le vassal, le représentant et le larbin du « système ». Concernant Lula, il est à la solde d’une gauche dépravée corrompue et décadente. C’est elle qui a gangrené toutes les institutions étatiques. Bien sûr, en toile de fond, on retrouve l’influence des ONG nationales et internationales, et même les Nations unies. Une vision complotiste aux accents de plan global visant à déstabiliser le pays.

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire

Plus l’ennemi est fort et puissant, plus cela explique les difficultés que l’on rencontre dans la mise en œuvre de ses politiques et cela sert d’excuse à des résultats médiocres et non-conformes aux promesses faites. D’ailleurs, nous ne sommes plus dans un cadre politique et économique basique, avec des mesures concrètes et une vision économique précise. L’ex-président brésilien se sait faible sur ce plan. Les alliées de Bolsonaro sont avant tout l’agrobusiness, le patronat, la police et l’armée.

Une bonne dose de populisme de base

Pour établir son discours populiste, la rhétorique de Bolsonaro exalte avant tout des valeurs traditionnelles à travers un slogan que n’aurait pas renié le Marechal Pétain « Dieu, Patrie , Famille ». Il met en action la figure du « bon citoyen « , dans une perspective de lutte du bien contre le mal. Les autres sont désignés comme les « vagabonds », qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Évidemment, Lula est le candidat « du système « , soutenu à la fois par les grands médias et par les institutions chargées de réguler les élections. Autour du camp Lula, se développe l’idée que le Brésil est spirituellement malade, car dominé par des forces maléfiques.

Tous pourris sauf moi ou la lutte contre la corruption

Le bolsonarisme apparaît alors comme l’expression de l’antipolitique, il met en valeur l’importance de la corruption, qui sert de leitmotiv et d’explication à tous les problèmes. Cela contribue à la construction d’une image de l’État, qui devient plus un frein que comme un vecteur à l’épanouissement individuel et collectif. Dans le camp de Bolsonaro, on considère que les fonctions publiques devraient être confiées au secteur privé.

Un appui religieux ne fait pas de mal.

À ce stade, il faut noter l’aide des évangéliques fortement favorable à Bolsonaro (près de 70 % des voix). Cependant, une partie des fidèles des Églises pentecôtistes regrettent d’avoir soutenu Bolsonaro. Ils sont décus du manque de prise en charge de la population pendant la pandémie, et le désespoir économique qui s’installe.

La victoire de Lula n’est pas encore la victoire de la démocratie

Cela n’empêchera pas que la jeune démocratie va longtemps souffrir des effets produits par les attaques incessantes dirigées vers les autres pouvoirs, en particulier la Cour suprême. Il ne faut pas s’attendre à un « retour à la normalité démocratique » immédiat et sans séquelles. Même si la victoire de Lula est finalement acceptée à demi-mot par Bolsonaro et ses partisans, il faudra un travail de fond du nouveau gouvernement pour remettre en selle une vision positive de la démocratie. Cela passe par une vigilance, une intégrité sans faille et se réadapter aux nouvelles méthodes d’action politique. Il ne serait pas étonnant que l’opposition bolsonariste va vouloir revenir au pouvoir au plus vite.

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La Rédaction