Bien sur, tout le monde ne connaît pas Anastasia Biefang, pourtant cette personne a réussie un tour de force. C’est tout simplement la première femme trans à commander un bataillon militaire. Ceci se passe dans la Bundeswehr, c’est-à-dire l’armée allemande. À ce titre, Anastasia Biefang a longtemps été considérée comme un symbole de la politique d’ouverture de l’armée allemande. Cependant, elle ne considère pas cela comme une fin en soi, elle compte bien bousculer des règles strictes qui régissent la conduite à tenir selon que l’on est un homme ou une femme. Or, Anastasia Biefang n’a visiblement pas envie d’entrer dans aucune de ces deux catégories.
De soldat à “lieutenante-colonelle «
Petit retour en arrière, à l’époque tout se passe relativement bien. Anastasia s’engage dans la Bundeswehr à 20 ans, pour l’état-civil, elle est encore un homme. Elle effectue sa formation d’officier au sein de l’état-major général, puis combat en Afghanistan. Avant de devenir référente au ministère de la Défense. Un parcours bien dans la lignée jusqu’en 2015. À 40 ans, le petit soldat sort des sentiers battus en annonçant qu’elle est trans. Son supérieur accepte qu’elle se fasse appeler désormais “lieutenante-colonelle Anastasia Biefang”. Sa transition de genre ne semble pas gêner son évolution et sa carrière. Deux ans plus tard, elle est nommée à la tête du bataillon de plus de 800 soldats, hommes et femmes.
Une difficile évolution pour une institution comme l’armée
Tout tend alors a la belle histoire du style « quand on veut, on peut « . Ces histoires, qui rappellent au passage, la force de caractère qu’il faut avoir pour bousculer une institution dans laquelle, jusqu’en 2000, des hommes et des femmes se voyaient rétrograder ou limoger dès que leur homosexualité était connue.
Des réactions au quotidien
Bien sûr, tout n’est pas rose et aussi simple. Évidemment, cette nomination ne manque pas de soulever des commentaires donc quelques-uns très mal placés. Évidemment, cette nomination ne manque pas de soulever des commentaires donc quelques-uns très mal placés. DES nostalgiques des temps anciens et bien d’autres. On imagine que cela fait déjà du monde. Cependant, il y a aussi ceux, moins doctrinaire qui concrètement s’inquiète du fonctionnement au quotidien et des conséquences sur le terrain.
Or justement sur le terrain, c’est parfois un peu compliqué, et cela, jusque dans les détails. En 2021. Après avoir eu le Covid, elle est retournée à la caserne avec une barbe de trois jours. Son traitement hormonal permet d’atténuer la pilosité faciale, mais non de l’éradiquer. Son apparence est alors mal été perçus par certains et certaines de ses collègues. Une autre fois, un officier de rang supérieur lui a ordonné de retirer ses boucles d’oreilles devant tous ses collègues, partant visiblement du principe qu’Anastasia était un homme.
Anastasia Biefang veut aller plus loin
Est ce pour cela, ou par goût du challenge Anastasia Biefang, n’a pas voulu s’arrêter là. Elle aurait pu simplement se contenter de rester l’alibi de l’ouverture et la bête curieuse qu’il faut avoir rencontré une fois dans sa vie. Et bien non, elle fait partie de ces personnes qui ne contentent pas et tel un vrai militaire, elle se dresse face à l’adversité. Elle a parfois le sentiment de n’être pour la Bundeswehr qu’une tête de gondole symbolisant l’ouverture et la tolérance de l’institution.
L’armée allemande met le frein
La suite, c’est l’escalade qui montre que l’armée, même très tolérante, comme toute institution bien ancrée a ses limites. Cela a même dépassé la situation du lieutenante-colonelle, pour toucher la marge de manœuvre que peut avoir un représentant de l’armée dans de nombreux domaines.
Que doit afficher un soldat sur les effets des réseaux sociaux ?
En effet, elle est maintenant vice-présidente de l’association QueerBw, les queers de la Bundeswehr, et dans la bio de son compte, on peut lire ceci. « Spontanée, voluptueuse, trans, ouverte, en quête de sexe. Open à tous les genres ». On sort alors, du cadre de sa « sexualisation » et on entre dans la manière de vivre sa vie.
À ce sujet, la cour disciplinaire indique que son profil Tinder laisserait planer un doute sur son “intégrité morale”. Son comportement porterait de surcroît atteinte à l’image de la Bundeswehr. Le paragraphe 17 de la loi sur le service armé stipule que, même en dehors du service, le comportement du soldat doit “être en accord avec la réputation, l’estime et la confiance dont jouit la Bundeswehr”.
Cour disciplinaire vs plainte devant la Cour constitutionnelle allemande
Il reste à savoir si un profil Tinder d’un officier » classique » indiquant une vie sexuelle dit « débridée » aurait droit au même traitement. Cela revient à une éternelle question. À quel degré met-on le curseur de l’intégrité morale ? À ce sujet Anastasia porte plainte contre la Bundeswehr devant la Cour constitutionnelle allemande. Elle indique que le devoir de “bonne conduite” date d’un règlement date des années 1950 et se fonde à ses yeux sur des conceptions morales totalement rétrogrades.
Pour finir, notons qu’elle a par ailleurs lancé une pétition dans laquelle elle exige une révision du devoir de bonne conduite en dehors du service pour les militaires. Elle souhaite désormais saisir la Cour constitutionnelle, avec le soutien de l’ONG Société pour les libertés civiles (GFF).
Crédit photo : pexels pixabay